On le sait grognon, mais c’est un Salvini souriant et posé qui a reçu « Le Point » à Rome. Entre sa collection de chapelets et son écharpe du Milan AC.
Par Sébastien Le Fol et Anna Bonalume
«Le Capitaine et la Bête ». Cette formule sonne comme le titre d’un conte pour enfants, mais il s’agit bien de la réalité politique italienne : c’est l’équation du succès de La Ligue (ex-Ligue du Nord), un mouvement populiste crédité aujourd’hui de 30 % d’intentions de vote.
« Le Capitaine » est le surnom, donné par les siens, de Matteo Salvini, le leader de La Ligue. Ce journaliste milanais a été conseiller de Milan, député, député européen et sénateur. En 2018, après les élections générales, où son parti obtient 17 % des voix, il devient vice-président du Conseil des ministres et ministre de l’Intérieur du gouvernement Conte. Le 9 août, il a fait voler en éclats la coalition formée avec le Mouvement 5 étoiles, espérant provoquer des élections anticipées. En vain : le Mouvement 5 étoiles s’est allié avec le Parti démocrate.
« La Bête » est le surnom de la machine de guerre médiatique de La Ligue. Elle produit en permanence des messages, sous toutes les formes, sur Facebook, YouTube, Twitter et Instagram. Cette stratégie a permis au Capitaine de devenir la personnalité politique la plus suivie sur Facebook en Europe avec presque 4 millions d’« amis ».
Sorties urticantes.
Omniprésent sur les réseaux, qu’il inonde de selfies, Matteo Salvini l’est tout autant dans la rue : pas un jour sans une réunion publique. L’été, Matteo Salvini s’exhibe sur les plages. Il veut incarner l’Italien moyen. Il aime la bonne bouffe, s’affiche en galante compagnie. Il parle fort et multiplie les sorties urticantes. En 2009, alors qu’il participe en qualité de député européen à la fête annuelle de son parti à Pontida, en Lombardie, il se met à chanter : « Sens-moi cette puanteur, même les chiens s’enfuient, c’est que les Napolitains sont arrivés. »
La Ligue s’appelait alors La Ligue du Nord. Ce parti sécessionniste et fédéraliste avait pour cible les terroni, les gens du Sud, perçus comme des « fainéants » vivant sur le dos des gens du Nord. En 2013, Salvini a transformé La Ligue en un mouvement national et souverainiste ayant pour slogan « Les Italiens d’abord ».
Feu sur l’immigration ! En 2017, il affirme à propos des migrants : « Il faut un nettoyage de masse même en Italie (…), un nettoyage rue par rue, quartier par quartier, en employant la manière forte s’il le faut, car il y a des zones d’Italie qui sont complètement hors de contrôle. » Plus tard, en juin 2018, il annonce vouloir lancer un recensement des Roms.
Pelleteuse et Milan AC.
C’est un Salvini souriant, posé et réfléchi qui reçoit Le Point le mercredi 9 octobre, par un doux après-midi d’automne. Son bureau de sénateur est situé juste en face de l’église Saint-Louis-des-Français, qui abrite le merveilleux « cycle de saint Matthieu », du Caravage. La pièce mansardée est remplie d’objets que le senatore a rapportés de ses déplacements en Italie. Au mur, un chandelier à sept branches, cadeau du ministre israélien du Tourisme, et une photo en compagnie de Benyamin Netanyahou. Vie publique et vie privée se mêlent. Son bonheur avec sa nouvelle compagne, Francesca Verdini, fille du député Forza Italia Denis Verdini, est affiché, bien en vue. Sur les étagères, on peut voir une pelleteuse miniature, attribut fétiche devenu le symbole de la campagne de « nettoyage » des camps de Roms, non loin d’une écharpe du Milan AC, son équipe de coeur. Sur son bureau, des portraits de ses deux enfants, Mirta et Federico, voisinent avec une photo de lui en compagnie de Marine Le Pen et du Néerlandais Geert Wilders, le chef de file du Parti de la liberté.
L’entretien se déroule autour d’une grande table couverte de boîtes de biscuits et de chocolats italiens. Salvini semble avoir laissé derrière lui l’image d’homme grognon et agressif qu’il promène sur les plateaux de télévision et dans ses meetings. Celui que Marine Le Pen appelle « mon ami » et que l’écrivain Roberto Saviano présente comme un « adversaire de la démocratie » se livre sans complexes. En une heure et demie, il répondra à une soixantaine de questions. Le leader populiste paraît certain de reprendre le pouvoir. « C’est une question de patience », dit-il. Il s’est choisi un adversaire, l’ancien président du Conseil Matteo Renzi. En ce moment, il mène campagne en Ombrie, qu’il espère enlever à la gauche. Le 19 octobre, il organise un grand rassemblement à Rome, dont il veut faire une démonstration de force. Son exercice préféré
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