L’Italie tente de s’organiser face à l’épidémie. Mais c’est dans le Nord, dans son triangle industriel, que le virus fait le plus de dégâts.
Par Anna Bonalume dans le nord de l’Italie
Lombardie, Vénétie, Piémont. Les trois régions les plus productives d’Italietournent au ralenti. Les premiers cas de coronavirus déclarés dans le pays – ainsi que les premiers morts – l’ont été dans le « triangle industriel » du nord du pays. Un coup dur pour la troisième économie de l’Union européenne, particulièrement dépendante de sa principale région industrielle, la plaine du Pô, et dont la croissance est déjà exsangue. Établie à 0,2 % en 2019, la hausse du PIB ne devrait guère être meilleure cette année. Le gouvernement tablait sur 0,6 % et Bruxelles sur 0,4 %… des estimations faites avant l’apparition du coronavirus.
Les deux foyers du coronavirus, Codogno et Casalpusterlengo, sont situés dans la zone comprise entre Milan, Trévise et Bologne, qui produit à elle seule près de 30 % des richesses du pays. Un espace économique parsemé d’universités et de plateformes logistiques avancées, où les entreprises investissent également dans l’innovation.
« Zones rouges »
Les activités du centre de recherche de la multinationale Unilever de Casalpusterlengo, où travaille le premier homme infecté de la région, ont été arrêtées pour effectuer les tests nécessaires et attendent les indications des autorités sanitaires. Luxottica, Enel, Tod’s, Arcelor Mittal ont invité les employés résidant dans les « zones rouges », ainsi qu’elles sont appelées les villes foyers du virus, à travailler de chez eux.
Même inquiétude à Milan, où la Fashion Week a été perturbée. Certains défilés, dont celui d’Armani, ont dû se tenir à huis clos. Or, la Lombardie est la grande région de la mode italienne avec 13,7 milliards d’exportations, ce qui représente plus d’un quart du total. Giorgio Armani a décidé de fermer les bureaux de Milan et les sites de production en Lombardie, Émilie-Romagne, Vénétie, Trentin et Piémont pendant une semaine.
Antonio Misiani, ministre adjoint à l’Économie, détaille au Point la riposte que prévoit le gouvernement : « Nous sommes en train de préparer un décret de loi qui sera présenté en conseil des ministres dans les jours à venir et qui prévoit des mesures pour les citoyens et les entreprises de la zone rouge, notamment la suspension des paiements d’impôts, des taxes, des mensualités des emprunts et le renforcement des aides sociales. »
Pour le gouverneur de la Banque d’Italie, Ignazio Visco, l’impact du coronavirus au niveau national devrait dépasser le 0,2 % de PIB.
Le tourisme est aussi affecté, les manifestations publiques, les fêtes de Carnaval et les matchs de foot sont suspendus. Tout juste est-il encore autorisé de se rendre à des funérailles, mais seulement pour les parents les plus proches du défunt.
« Nous sommes devenus tous fous ! »
La population tente de s’organiser malgré le vent de panique qui souffle sur toute la région. Le centre-ville de Bergame est désert, seules circulent les voitures de la police. Dans un supermarché d’Esselunga de Curno, une ville bourgeoise à 50 kilomètres de Milan, les produits alimentaires ont disparu et les rayons vident sentent l’eau javel, conseillée pour nettoyer les surfaces potentiellement contaminées. « Il me semble être à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes devenus tous fous ! » se lamente un client. Sur les réseaux sociaux, une rumeur ne cesse de prendre de l’ampleur : la mise en quarantaine de toute la région lombarde.
Magazine Le Point
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